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L'étonnant pouvoir d'influence des SCOP du BTP
La Scop. Juridiquement, c’est une société coopérative et participative dont les salariés sont les actionnaires majoritaires. C’est un statut d’entreprise et de fonctionnement singulier dans le paysage économique traditionnel de notre pays qui a le vent en poupe. En effet, chaque salarié détient un morceau de l’entreprise dans laquelle il travaille, avec les avantages et les responsabilités que cela implique. Quel est le poids des Scop dans le secteur du bâtiment et des travaux publics ? Pour le savoir, nous avons interrogé Olivier Diard, délégué général de la fédération des Scop du BTP.
BTP Actualités : Pouvez-vous retracer l’historique de la fédération des Scop du BTP?
Olivier Diard : La fédération des Scop du BTP est une fédération jeune. Créée en 1946, elle est une des quatre fédérations représentatives du BTP reconnue par les pouvoirs publics aux côtés de la Capeb, de la FFB et de la FNTP. C’est la seule fédération qui couvre les travaux publics et le bâtiment. Concilier les intérêts des deux est une alchimie subtile, même si beaucoup de sujets sont intimement liés à ces deux familles de métiers. Avec 600 adhérents, c’est vrai que nous sommes les plus petits de la branche, pourtant, j’aime à dire que si nous sommes de taille modeste, nous sommes, en revanche, une fédération d’influence au service de l’intérêt de la profession qui pèse dans toutes les décisions par son rôle politique pivot sur l’échiquier professionnel.
BTPA : Quel est ce poids et l’impact financier des Scop dans le BTP?
O.D. : On compte plus de 1 800 Scop en France, et notre fédération représente 1/3 de cet ensemble et pèse donc significativement dans le mouvement coopératif. À l’intérieur de notre ensemble fédéral, les travaux publics représentent environ 35 %. Les différentes entités coopératives sont harmonieusement réparties sur le territoire. Les Scop de travaux publics sont plutôt de taille importante (+ 100 salariés) et opèrent sur les marchés publics. C’est le cas par exemple à Paris, où environ un tiers des entreprises qui s’occupent de la voirie sont des Scop, comme la moitié de celles qui font de l’éclairage ou 20 % de celles qui consolident le sous-sol parisien. Saviez-vous que la première entreprise qui a peint la tour Eiffel était une Scop, Le travail, qui existe toujours ? On l’ignore, mais elles ont souvent en charge des chantiers et des travaux d’envergure et de prestige autour de nous comme la rénovation du Château de Vaux-le Vicomte.
BTPA : Peut-on dire que la Scop est un modèle qui a tendance à prendre de l’ampleur?
O.D. : Je n’aime pas parler de la Scop comme un modèle en tant que tel qui me parait trop réducteur. La Scop est une SAS ou une SARL coiffée par le statut juridique coopératif qui régule son fonctionnement selon un certain nombre de principes. Cette conception d’entreprise n’est pas très vieille, puisque la coopérative est une idée neuve qui a 150 ans ! Elle a pris une certaine ampleur après la guerre, au milieu des années 80 puis dans les années 2000, poussée d’une part par le pouvoir politique en place, d’autre part par les maîtres d’ouvrage qui souhaitaient diversifier leurs attributaires sur leurs marchés face aux grands groupes. Pour être complet, il se crée environ une cinquantaine de Scop dans le BTP chaque année. 60 % d’entre elles sont des créations, 40 % sont des reprises d’entreprises existantes par les salariés. Les coopératives font preuve d’une grande capacité de résistance face à la crise ces dernières années démontrant ainsi leur solidité.
BTPA : En quoi la coopérative donne-t-elle à l’homme une place différente de celle d’une entreprise non coopérative par exemple?
O.D. : Au-delà du fait que tous les salariés sont actionnaires, c’est-à-dire sociétaires, c’est davantage une vision différente du travail et de la répartition des richesses qu’apporte la coopérative en valorisant les valeurs de responsabilité, de partage et de solidarité. C’est avant tout un esprit très collectif, et comme sur un chantier, pour que celui-ci soit bien terminé, il faut que l’ensemble des équipes partage et coopère. La Scop incite naturellement à une prise de conscience collective des enjeux par une décision partagée des décisions. C’est aussi une aventure humaine qui demande à chacun de se dépasser pour mettre en avant le collectif plutôt que l’individuel. Au niveau économique, comme toute entreprise, la Scop en BTP doit être rentable et concurrentielle pour gagner de l’argent et se développer. Enfin, c’est une certaine idée de l’entreprise qui marie intelligemment le travail, le capital et les talents…
BTPA : Et quel est votre rôle au sein de la Fédération?
O.D. : Voilà plus de 15 ans que je prends énormément de plaisir à défendre les intérêts des entreprises coopératives du BTP et les hommes et femmes qui les composent sur un échiquier politique professionnel particulièrement complexe. C’est un métier de « guerrier » guidé par la passion qui m’anime pour le BTP et les coopératives. Notre fédération a un rôle politique important à jouer dans une période économique très difficile avec de nombreux combats à mener pour construire l’avenir de notre belle profession en général et pour défendre les bâtisseurs-coopérateurs en particulier. Enfin, personnellement, je suis heureux, en tant que délégué général, d’être utile, à mon modeste niveau, pour contribuer à développer la coopérative que je considère comme l’entreprise du XXIe siècle, parce qu’elle place l’homme au coeur de son fonctionnement et développe des valeurs nobles et humanistes qui visent le bien commun.
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