• 12/03/2018

    Le grand témoin et vous

    « Nous devons mener une réflexion approfondie sur la coactivité »

    Les six cents Scop du BTP sont confrontées aux mêmes risques et aux mêmes exigences de prévention que les entreprises «traditionnelles». Pour leur président, Charles-Henri Montaut, elles doivent profiter de leur statut et de leur philosophie mutualiste pour progresser.

    Votre organisation regroupe à la fois des entreprises du bâtiment et des travaux publics, quels sont leur profil et leur spécificité ?
    Charles-Henri Montaut. Les sociétés coopératives de production du BTP sont un peu plus de six cents en France et emploient un peu plus de 12 500 personnes. À l’instar des Scop présentes dans d’autres secteurs de l’économie, nos entreprises appartiennent aux salariés, qui sont des associés majoritaires détenant au moins 51 % du capital. Notre secteur d’activité regroupe plutôt des petites et moyennes entreprises dont les effectifs peuvent varier de quelques salariés à plus d’un millier, comme c’est le cas pour la Scop UTB dont je suis président.
     
    Il est donc difficile d’établir un profil type...
    C-H. M. Oui, même si, globalement, nos adhérents se rapprochent plus de la moyenne des entreprises du bâtiment, soit une vingtaine de salariés, que des sociétés de travaux publics. Notre spécificité vient aussi de la très grande diversité des métiers représentés dans les différentes Scop que nous présentons. Nous recensons en effet une quarantaine de métiers dont nous devons connaître et intégrer les contraintes et les attentes. Cela constitue un vrai défi, notamment en matière de gestion et de prévention des risques. Nous ne sommes bien entendu pas en mesure de développer une expertise pour chacune des activités de nos adhérents, d’où l’importance pour la Fédération des Scop BTP de nouer des partenariats avec les acteurs de la prévention et notamment l’OPPBTP.
     
    Quelles formes ces relations et ces partenariats prennent-elles?
    C-H. M. Le partenariat que nous avons mis en place avec l’OPBBTP depuis déjà de nombreuses années est très étroit. Il prend la forme d’actions menées au niveau national, comme nous avons pu le faire autour du document unique, mais également dans les territoires, au plus près des adhérents. Ce sont de véritables binômes composés de nos secrétaires généraux et des responsables de l’OPPBTP en région qui travaillent en-semble et se déplacent chez nos adhérents. Le déploiement du document unique aura été une forme de « pro-duit d’appel » pour décliner les plans d’action propres à chaque entreprise. 
     
    L’essentiel
    Les six cents Scop du BTP présentes dans l’Hexagone représentent plus de quarante métiers.
    Des efforts importants doivent être faits en matière de coactivité pour réduire les risques et la pénibilité.
    Dans chaque région, les secrétaires généraux de la fédération Scop BTP travaillent en binôme avec les professionnels de l’OPPBTP.
     
    La perception des questions liées à la sécurité et à la santé au travail a-t-elle progressé chez vos adhérents au cours de dernières années ?
    C-H. M. Oui et de façon très sensible au cours des vingt-cinq ou trente dernières années je pense. C’est un constat qui s’applique à l’ensemble des entreprises du secteur du BTP, même si les Scop portent peut-être, de par leur organisation et leur mode de fonctionnement, une attention plus soutenue à ces sujets. Au-delà de l’évolution des mentalités, du renouvellement des générations et des progrès techniques et technologiques que nous pouvons vivre dans nos métiers, la prise de conscience vient également au travers du volet juridique et de la responsabilité pénale qui pèse sur les épaules des chefs d’entreprise.
     
    Vous évoquez la spécificité des Scop et peut- être leur plus grande appétence pour les actions menées en faveur de la prévention et de la santé au travail. Comment expliquez-vous cela ?
    C-H. M. Dans nos entreprises, notre statut commande nos actions avec comme objectif de compter le maximum de salariés associés, même si, bien entendu, nous ne faisons pas de distinction entre les différents collaborateurs présents dans les effectifs. D’une façon générale, ils sont partie prenante et très impliqués dans la vie de la société. L’engagement est très présent et notre forme de gouvernance, qui favorise l’échange, la mutualisation et la prise de décision en commun, est probablement un aiguillon supplémentaire en matière de prévention. Nous mesurons l’incidence humaine, sociale mais aussi économique que peut avoir un accident ou une maladie professionnelle. Nous partageons les responsabilités, les décisions mais aussi les résultats !
     
    Les compagnons qui composent vos entreprises sont-ils plus réceptifs et sensibles aux messages de prévention?
    C-H. M. Il y a sans doute une forme d’appétence, mais nous n’avons surtout pas de leçons à donner en la matière, ni de raison de nous affranchir des différentes actions qui peuvent être menées par la branche et au sein de nos entreprises ! Le message économique passe peut- être mieux et il est très clair: sans prévention le nombre d’accidents augmente, et l’absentéisme impose de faire appel à de l’intérim ou des contrats précaires. Nous touchons là au volet RSE et à la philosophie mise en place au sein de la Fédération des SCOP BTP.
     
    Comment cette politique RSE se traduit-elle concrètement?
    C-H. M. En complément, ou en parallèle des normes Afnor, ISO 26 000 notamment, nous avons construit un référentiel commun à toutes nos entreprises qui leur permet de se prévaloir du label RSE Scop BTP. Celui- ci est adossé à la norme, mais développe davantage les aspects liés à la prévention et à la sécurité. Cette charte reflète bien l’engagement des entreprises et constitue une véritable carte de visite auprès de leurs clients. Il s’agit d’une vraie valeur ajoutée qui s’est construite de façon méthodique. Nous pourrions tout à fait transposer cette démarche à la prévention et à la sécurité.
     
    Au-delà de la diversité des métiers que votre fédération regroupe, avez-vous identifié des axes d’actions prioritaires et transversaux dans le domaine de la prévention des accidents notamment ?
    C-H. M. Comme l’ensemble de la profession nous sommes très vigilants aux risques liés aux chutes, de hauteur ou de plain-pied, comme à la prise en compte des TMS, mais nous devons aussi mener une réflexion plus approfondie sur la question de la coactivité. Il s’agit à mes yeux d’un problème majeur sur lequel le BTP a peu progressé et qui peut avoir une incidence importante sur les avancées réalisées au sein de nos différents métiers. Dans le bâtiment plus particulièrement, le fait de travailler en même temps sur un même site génère une grosse part de pénibilité et consomme une partie du temps des compagnons. Beaucoup d’ouvrages de sécurité sont communs à plusieurs entreprises et il est important de bien les gérer. De même, il est essentiel de mieux séquencer les interventions et de mieux les enchaîner. La coactivité est trop souvent source de souffrance physique, en termes de manutention par exemple, mais aussi de stress pour les compagnons qui sont parfois contraints de reprendre des ouvrages déjà réalisés. Nos entreprises ont besoin d’une véritable assistance au pilotage et à la coordination des différents métiers présents sur site. Cette préoccupation est d’autant plus essentielle que nous connaissons actuellement une période de reprise d’activité. ■
     
    PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE DESCHAMPS
     
    A SAVOIR
    Fédération nationale des sociétés coopératives de production du BTP
    Créée en 1946 la Fédération nationale des Scop du BTP représente aujourd'hui quelque six cents entreprises du BTP et plus de 12500 salariés. Cette structure qui regroupe plus de quarante métiers, dispose de dix fédérations régionales qui assurent un service de proximité auprès des adhérents. Acteur majeur dans le bâtiment et les travaux publics, la fédération des Scop BTP siège dans toutes les instances paritaires, techniques et professionnelles tant au niveau national que régional de sa branche professionnelle. Elle joue également un rôle important au sein du mouvement coopératif, mais aussi au niveau européen en siégeant à la CECOP, organisme représentatif des coopératives européennes auprès de l'Union européenne. www.scopbtp.org
     
    12/03/2018