Le gouvernement intensifie la lutte contre la fraude au détachement

 

Les ministres du Travail et des Finances ont profité, ce 23 février, d'un déplacement à Rungis pour détailler les mesures prises pour lutter contre le travail illégal et les fraudes au détachement, en particulier dans le BTP.

« Peut-on enfin parler de la lutte contre le travail illégal? ». Il aura fallu un bon quart d’heure, ce mardi 23 février au matin, pour que Myriam El Khomri et Michel Sapin puissent revenir aux raisons de leur visite à Rungis sur un chantier de construction de logements sociaux. A savoir la signature avec toutes les organisations patronales du BTP* de la convention nationale de lutte contre le travail illégal et contre les fraudes au détachement dans le secteur.

Une « première ». Si des conventions existent au niveau local ou parfois régional, aucune n’avait été signée à l’échelle du territoire pour le secteur. Ce dernier est pourtant particulièrement concerné : la moitié des redressements pour travail dissimulé y ont été réalisés en 2014, pour un total de 200 millions d’euros, a rappelé le ministre des Finances, qui a appelé l’ensemble de la profession à se mobiliser.

Bouchées doubles

C’est l’objet même de la convention qui marque « un double engagement » pour la ministre du Travail. Les fédérations patronales y promettent de mener des actions de sensibilisation et d’informations auprès de leurs adhérents et de se constituer partie civile dans les procédures engagées en matière de travail illégal.

L’Etat s’engage, lui, à renforcer les contrôles de chantiers, notamment pendant les week-ends et en soirée. Sur le terrain, les services de contrôle mettent déjà les bouchées doubles, a expliqué la ministre. Celle-ci tire un premier bilan « positif » du renforcement des sanctions mis en place par les lois Savary et Macron qui, en 2014 et 2015, ont renforcé les obligations des employeurs de salariés détachés et responsabilisé les maîtres d’ouvrage et les donneurs d’ordre, en mettant en place des sanctions dissuasives.

Depuis septembre, le nombre d'interventions de contrôle a doublé, pour passer à 1300 (contre 600 en juin). Au second trimestre 2015, 139 amendes pour non-présentation d’une déclaration de détachement ont été notifiées, pour un montant de 675 000 euros, dont les deux-tiers perçus dans le secteur du bâtiment. Et, pour la première fois, début février, une prestation de service internationale impliquant deux chantiers de BTP a été suspendue en Corse.

Timing parfait

Mais si la hausse des contrôles est sensible, la marge de progression reste énorme. Les services de l’État estiment ainsi à 80 000 le nombre de travailleurs détachés dans l’illégalité. Un nouvel outil très attendu de la profession doit les faciliter : la carte d’identification des salariés du bâtiment, que la ministre a enfin présentée. Timing parfait, le décret d’application fixant les modalités pratiques de ce document, rendu obligatoire par la loi Macron, avait été publié ce mardi matin même.

Cette carte destinée à tous les intervenants sur un chantier comporte des informations sur l’identité du salarié mais aussi de ses employeurs. Elle permettra de savoir très facilement si une personne a fait l’objet d’une déclaration en règle. Car, pour l’obtenir, tous les employeurs du BTP sont obligés de signaler l’embauche du salarié, y compris les entreprises de travail temporaire et les employeurs établis hors de l’Hexagone qui y détachent des travailleurs. 1,6 millions de salariés sont concernés, selon le ministère.

Droit de timbre

« Cette carte infalsifiable est une avancée majeure pour lutter contre le travail dissimulé dans son ensemble. En permettant d’identifier qui est qui sur un chantier, elle va faciliter les contrôles. Il ne reste plus qu’à renforcer très largement les contrôles. Il faut passer de la parole aux actes », commente Patrick Liebus, président de la Capeb, l’organisation professionnelle des artisans du bâtiment.

La ministre a aussi présenté les nouvelles mesures inscrites dans son avant-projet de loi pour lutter contre les fraudes au détachement. À commencer par la suspension du chantier en cas de non-déclaration du salarié détaché, l’institution d’un droit de timbre pour faire contribuer les employeurs aux coûts administratifs du détachement ou, encore, la possibilité pour un agent de contrôle de se faire accompagner par un interprète. Et faciliter, ainsi, l’accès à tous les documents en langues étrangères.

* FFB, FNTP, Fédération des Scop du BTP et CAPEB

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24/02/2016