Emploi : le bâtiment adopte sa méthode de dialogue social

L’accord de méthode pour un dialogue économique et de l’emploi dans le bâtiment du 14 janvier 2016 fixe des objectifs en matière d’apprentissage et de recrutements pour les deux prochaines années. Au-delà de ces engagements, pris dans le cadre du pacte de responsabilité, le texte dote la branche d’une méthode de dialogue social inscrite sur du long terme.

Relancer l’emploi dans le bâtiment. Telle est l’ambition de l’accord de méthode pour un dialogue économique et de l’emploi du 14 janvier 2016, récemment signé par le collège patronal du secteur et l’ensemble des syndicats, à l’exception de la CGT. L’impulsion vient des premières négociations initiées dans le cadre du pacte de responsabilité, qui avaient achoppé fin 2014. Seule la FNCB CFDT avait en effet paraphé l’accord « Pacte social dans le bâtiment » de décembre 2014.

« Le texte reprend l’essentiel du premier accord, avec des aménagements à la marge, notamment concernant les objectifs chiffrés de recrutements et de contrats d’apprentissage », éclaire Rui Portal, secrétaire général à la section construction de l’organisation cédétiste, qui regrette ainsi « d’avoir perdu du temps ». « Nous aurions pu, dès fin 2014, bénéficier d’un accord qui s’applique, et créer une dynamique en travaillant sur les indicateurs en matière d’emploi et de salaires. Nous aurions aujourd’hui une année de recul, ce qui aurait permis au Comité de suivi désigné dans cet accord de se réunir. »

Les signataires du texte, applicable au 1er janvier 2016, souhaitent en effet dépasser la commande gouvernementale. « Cet accord fixe des éléments de méthode pour engager à long terme un dialogue économique et de l’emploi de branche qui se concrétisera par des échanges annuels », pose Olivier Diard, secrétaire général de la FNSCOP-BTP.

Passer la crise en gardant ses forces vives

Principal enjeu donc, passer un cap critique en conservant une main d’œuvre qualifiée, et redynamiser l’embauche -le bâtiment employait, à fin 2015, 1 045 000 salariés. La crise a coûté au secteur 11% de ses effectifs entre 2008 et 2015, soit 113 000 salariés et 24 000 intérimaires. Un moindre mal néanmoins, en regard de la réduction d’activité constatée sur cette période (-21%). « La reprise, quand elle va arriver, risque d’être brutale, avertit Olivier Diard : il s’agit de s’y préparer en maintenant les effectifs et en continuant à former. Il nous faudra compter sur des troupes en nombre suffisant, pas seulement les salariés au sein des entreprises, mais également des jeunes qu’il faut intégrer et former. On ne saurait réfléchir que sur du long terme. »

Les partenaires sociaux misent ainsi sur la promotion des dispositifs destinés à préserver l’emploi et à favoriser l’embauche, en particulier auprès des quelque 294 000 TPE et PME du bâtiment. « Les entreprises ont tendance à se perdre dans le maquis des dispositifs existants, relève Olivier Diard. Il nous faut valoriser ces outils.» Ainsi  du système de l’activité partielle et du prêt de main d’œuvre à but non lucratif. Il est aussi question de sensibiliser les employeurs au recours à la formation comme alternative au licenciement.

240 000 embauches sur la période 2016-2018

Le texte fixe en outre un objectif de recrutement de 240 000 personnes sur la période 2016-2018. Mais malgré la baisse du coût du travail consentie par les pouvoirs publics dans le cadre du pacte de responsabilité, l’emploi ne se décrète pas. « Seule une hausse d’activité pourra se traduire par des embauches », insistent les partenaires sociaux.

Ces derniers s’engagent à développer l’information sur les dispositifs du contrat de génération, pour contribuer à l’embauche de salariés seniors, et de la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC). L’Observatoire des métiers du BTP propose à ce titre des outils d’accompagnement méthodologique pour les salariés et les employeurs (diagnostic contrat de génération, passeport formation, auto positionnement professionnel…).

5 000 contrats d’apprentissage supplémentaires à la rentrée

Il est aussi question d’orienter les travaux de l’Observatoire afin qu’il prenne en compte, dans ses études, les besoins futurs de compétences, notamment du fait de l’évolution des techniques et de la prise en compte de la transition énergétique. Autres leviers identifiés : renforcer l’information des employeurs et des salariés sur la transmission d’entreprises et sur la formation des futurs repreneurs, et développer le conseil aux cédants

Les signataires  comptent également sur l’apprentissage, qui demeure une des clés d’entrée dans le bâtiment. Face à une  décrue des effectifs au  sein  des CFA-BTP entre 2007 et 2015,  le texte fixe l’objectif d’un effectif national de 80 000  jeunes pour 2016-2017, soit 5000 contrats de plus que les derniers chiffres annuels recensés. Parmi les leviers identifiés à cet effet : intégrer l’apprentissage dans les clauses d’insertion, ou encore diversifier les formations proposées dans ce cadre, et dans cette optique s’engagent pour 2016-2017.

Combattre la concurrence déloyale

Autre cheval de bataille : la lutte contre la concurrence déloyale. Olivier Diard se réjouit à cet égard du « grand pas en avant » franchi avec la signature, le 23 février dernier, de la convention nationale pour la lutte contre le travail illégal et la concurrence déloyale dans le BTP entre le gouvernement et les organisations professionnelles (voir notre article). « Nous sommes parvenus à formaliser la lutte contre le travail illégal en impliquant les maître d’ouvrage publics et privés, y compris les particuliers. » Les signataires s’engagent notamment, dans ce cadre,  à poursuivre leur actions auprès des entreprises pour mieux faire connaître les règles du détachement, et auprès des maître d’ouvrage pour les informer sur leurs obligations de vigilance.

« Nous espérons dès lors que ce texte ne se contente pas de répondre à une pression de l’Etat : nous serons attentifs à la mise en oeuvre concrète des engagements », prévient de son côté Rui Portal. Un Comité du dialogue économique et de l’emploi se réunira en effet en juillet prochain, et chaque année afin d’analyser les conséquences prévisibles de l’évolution de la conjoncture en termes d’emploi, et d’apprécier les actions entreprises dans le sillage  de l’accord.

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02/03/2016