Qualité des logements sociaux : inquiétude du secteur du bâtiment
 
La future loi Logement ne doit pas, sous prétexte de simplifier la construction, abaisser la qualité des logements sociaux, s'inquiète le secteur du bâtiment, qui en appelle à l'arbitrage du Premier ministre et du président de la République.
Une lettre ouverte « des acteurs du cadre bâti, concepteurs et entreprises », datée du 9 février, demande ainsi à Edouard Philippe de préserver les procédures actuelles de passation des marchés publics ainsi que la loi MOP de 1985, qui régit la construction de logements sociaux.
 
De leur côté, des architectes de renom parmi lesquels Jean Nouvel, Christian de Portzamparc, Rudy Ricciotti ou Philippe Soler, ont formulé la même requête dans un courrier du 13 février à Emmanuel Macron, consulté par l'AFP.
 
Ils y « alertent sur le risque d'une production de logements au rabais, assujettie aux logiques de profits, si demain les bailleurs sociaux s'affranchissaient des règles qui s'imposent aux maîtres d'ouvrages publics ».
 
« Le législateur ne doit pas créer les conditions qui fabriquent aujourd'hui, les quartiers dégradés de demain », renchérit une tribune de 270 architectes publiée jeudi, qui appelle le gouvernement à « mettre en œuvre une nouvelle politique du logement » répondant aux besoins sociaux.
 
La lettre ouverte émane de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), la fédération CINOV (Conseil, ingéniérie et numérique), la fédération des Scop BTP (Coopératives de BTP), le SNSO (Syndicat national des entreprises du second œuvre), le Conseil national de l'Ordre des architectes (Cnoa) et l'Union nationale des syndicats français d'architectes (UNSFA).
 
Architectes inquiets
 
Ces six organisations du secteur du bâtiment font valoir que la loi MOP « structure les relations entre les acteurs de l'acte de construire, garantit leur indépendance » et impose aux maîtres d'œuvre « des obligations de résultat ».
 
Quant aux concours aujourd'hui « obligatoires pour les grandes opérations au-dessus des seuils européens » -une trentaine de logements, 2,5 millions d'euros de coût-, ils contribuent à « une production architecturale et technique innovante ».
 
Or, l'article 25 du projet de loi Logement, attendu en conseil des ministres fin mars, pourrait les supprimer ou créer des dérogations, ce qui ne peut « que nuire à la qualité de la commande publique de logement social », s'inquiètent-ils.
 
Car aujourd'hui ces règles « obligent à une gestion transparente et efficace des deniers publics » sans renchérir le coût des opérations, disent-ils, « contrairement à ce qu'ont affirmé les bailleurs sociaux de l'Union sociale de l'habitat (USH) ».
 
« Il faut améliorer la loi MOP, pas la supprimer », dit à l'AFP l'architecte Brigitte Métra, signataire de la tribune. Elle permet aux bailleurs sociaux de « construire des logements spacieux, innovants, de qualité, alors que les promoteurs privés ne font plus que des petits logements, plus rentables ».
 
« Les bailleurs sociaux sont en colère : on leur prend 1,7 milliard d'euros, et le gouvernement est prêt à céder tout ce qu'il faut et qui ne lui coûte rien, pour leur faire plaisir », déplore Denis Dessus, président du Cnoa, auprès de l'AFP.
 
Le gouvernement a imposé des baisses de loyers et des hausses de prélèvements aux offices HLM, qui diminuent d'au moins 1,7 milliard d'euros la dépense publique consacrée au logement dès cette année.
 
15/02/2018