La terre crue en quête de financements et de chantiers
 
Afin de réunir les fonds nécessaires à un « Projet national », la filière terre crue, qui rassemble essentiellement des petites structures, recherche des contributeurs. En parallèle, les professionnels sont invités à multiplier les chantiers vitrines.
 
En cours d’élaboration, le « Projet national » sur la terre crue prend la suite de la publication en avril 2019 de six Guides de bonnes pratiques, rédigés par les différentes associations locales réunies au sein de la toute jeune  Confédération de la construction en terre crue (CCTC).
 
« Il vise maintenant à  valider scientifiquement des constats empiriques, et à améliorer l'évaluation des performances du matériau dans une optique de garantie assurantielle » explique Jeanne-Marie Gentilleau, membre du comité de montage du Projet national terre, du réseau Ecobâtir et de la CCTC.
 
Les premiers échanges sur ce thème ont débuté fin 2018, sous l’égide de la direction de la recherche et de l’innovation (DRI) du Ministère de la transition écologique et solidaire.
 
De l’association locale au projet national
 
Qu’est-ce qu’un projet national ? Soutenu par l’Institut pour la recherche appliquée et l'expérimentation en génie civil (Irex), ce dispositif se caractérise par la réalisation d’une partie de la recherche et de ses applications sur un chantier et/ou sur un ouvrage in situ, dans l’optique d’aboutir à des livrables opérationnels.
 
Les programmes de recherche lancés sous ce label rassemblent, sur la base d’un engagement volontaire, les professionnels d’un secteur à l’échelle nationale. Parmi ceux en cours, on citera FastCarb, qui étudie la carbonatation du béton, Recybéton, pour le recyclage des granulats de bétons ou Mure, dont l’acronyme signifie multi-recyclage des enrobés tièdes.
 
Trois axes de recherche
 
En ce qui concerne la terre crue, un état de l’art exhaustif en France et a l’étranger a déjà été mené. Les besoins ont été identifiés par l’ensemble de la profession avant d’être exprimés par un comité de montage (1) piloté par l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (Ifsttar).
 
Erwan Hamard, chercheur en génie civil à l’Ifsttar, rattaché à l’université Gustave Eiffel (UGE) et fin connaisseur de la terre crue, liste les problématiques qui pourront être développées au sein de ce projet de recherche.
 
A commencer par le comportement mécanique. « Nous devons formuler des données et des méthodes de calcul des structures, qui s'appuiera sur une approche performantielle afin de valoriser des terres présentant une grande variabilité selon le lieu d’extraction », énonce le chercheur, avant de poursuivre. « A nous de définir des protocoles d’essais normalisés ».
 
L’étude de la sensibilité à l’eau, qui modifie la résistance mécanique du matériau, et des effets de cisaillement lors de sollicitations sismiques, seront également au programme.
 
L’autre enjeu majeur portera sur le comportement hygrothermique des parois en terre crue, difficile à prendre en compte dans les modèles de calculs réglementaires actuels. « Le projet cherchera à définir des valeurs et établir des facteurs correctifs. L’approche pourra être centrée sur le confort et le ressenti des habitants » détaille Erwan Hamard.
 
Le dernier axe étudiera les impacts environnementaux, sociaux et sanitaires. « Les bénéfices environnementaux de la construction en terre devront être mesurés, dans une stratégie d’écoconception, indispensable pour justifier son emploie », précise le chercheur.
 
La problématique des Fiches de déclaration environnementale et sanitaire (FDES), rédigées pour le moment avec des valeurs par défaut et pénalisantes, sera bien entendu à l’ordre du jour, surtout dans le cadre de l’arrivée prochaine de la Réglementation environnementale 2020.
 
« Des études ont déjà été menées auprès du CSTB », précise Erwan Hamard. Coté sanitaire, un angle portera sur la qualité de l’air intérieure permise par le matériau. Côté sociétal, un autre insistera sur le besoin en formation et le problème du coût de la mise en œuvre, longue et difficile.
 
Appel à contribution
 
Concernant chaque axe, deux chercheurs devront être désignés pour, dans un premier temps, rédiger l’étude de faisabilité, puis en phase projet, animer les recherches. En parallèle, le comité de montage invite les professionnels à multiplier les chantiers qui pourraient servir de vitrines. Ces premières références doivent ensuite permettre, d’une part de lever des fonds pour réaliser des essais scientifiques, et d’autre part d’appliquer les essais en laboratoire à l’échelle 1.
 
Financé en partie par la DRI, le projet national doit maintenant débloquer les financements nécessaires, et dans ce cadre lance un appel à contribution. « Pour l’heure, notre ambition est de lancer ce projet national à la fin de l’année 2020 », conclut Erwan Hamard.
 
A l’avenir, les acteurs du projet pourront répondre à des appels d’offre publics afin de lever des fonds supplémentaires. En plus de l’Ifsttar, la préparation du projet national sur la terre crue concerne Claude Rospars de l’Irex et Alain Marcom de la Scop Inventerre.
 
(1) Acteurs du projets : Association régionale d’éco-construction du sud-ouest (Aréso) ; Association Régionale pour la Promotion de l'Éco-construction (Arpe) Normandie ; Association nationale des professionnels de la terre crue (Asterre) ; Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) ; Centre national de la recherche scientifique (Cnrs) ; Craterre ; Collectif terreux armoricains ; Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) ; Confédération de la construction en terre crue (CCTC) ; Ecobâtir ; Ecole Nationale des travaux Publics de l'Etat (ENTPE) ; Fédération des Scop du BTP ; Fédération française du bâtiment (FFB) maçonnerie gros œuvre ; Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (Ifsttar) ; Laboratoire Matériaux et Durabilité des Constructions (LMDC) ; Loce ; Maisons paysannes de France.
 
 
22/01/2020